Auteur : Kiera CASS
Éditeur : Robert Laffont (2013)
Résumé :
sur le trône d’Illéa, alors que deux factions de rebelles veulent faire tomber la monarchie.
Pour America Singer, demeurer au palais est encore plus compliqué : ses sentiments envers Maxon viennent se heurter à l’amour qu’elle éprouve depuis l’enfance pour Aspen, garde royal qu’elle croise tous les jours dans les galeries, et à son sens aigu de la justice trop souvent déçu par les décisions royales…
Entre intrigues de cour, dilemmes tragiques et loyautés divisées, America navigue à vue dans la tourmente, en quête du déclic qui changera à jamais le cours de sa vie…
Tout jeu comporte des règles, et les règles sont faites pour être transgressées.
— La chose la plus merveilleuse et la plus terrible qui puisse vous arriver, soupire Lucy en réponse. Un bonheur qui menace à tout instant de vous filer entre les doigts, en quelque sorte.
Lucy a parfaitement résumé la situation. L’amour, c’est une peur qui vous donne des ailes.
– Bien sûr. Il me tarde de les rencontrer, et c’est une étape dans le processus de la Sélection. Par ailleurs, cela vous fera du bien de revoir vos familles respectives, même quelques heures.
J’ai le plus grand mal à ravaler mes larmes. Des larmes de joie.
– Merci, Maxon.
– Je vous en prie… Je sais que vous les chérissez de tout votre coeur. Et vous feriez tout pour eux, cela saute au visage. Après tout, si vous avez accepté de rester au sein de la Sélection, c’est dans leur intérêt.
– Maxon, c’est dans leur intérêt que je suis restée au début, mais ce n’est plus le cas à présent. Si je reste, c’est que…
– C’est que ?
Un espoir démesuré se lit dans le regard de Maxon. « Dis-le, America. Dis lui ce que tu ressens. »
– C’est que ? répète-t-il sur un ton malicieux.
Je lui adresse un sourire énigmatique avant de tourner les talons.
– America Singer, revenez ici tout de suite !
Il me rattrape et me saisit par la taille.
– Dites-moi, chuchote-t-il……..
Et elle affiche un sourire machiavélique. Avec des alliées pareilles, je ne vois pas comment la victoire pourrait m’échapper…
– J’ai découvert il y a peu quelque chose d’étrange…
– Dites-moi.
– Il s’avère que je suis totalement incapable de me passer de vous America. C’est un problème très sérieux et de tout premier ordre.
– Un problème que vous vous efforcez de régler, j’espère ?
Il fait mine de réfléchir à la question.
– Non. Et je vous avertis, je n’en est pas la moindre intention.
Nous rions sans bruit, collés l’un à l’autre. Dans ces moments-là, je m’imagine très bien vivre le restant de mes jours aux côtés de Maxon.
– Oui, parce que je vous connais encore très mal. Et vous semblez n’avoir aucun défaut. J’aimerais avoir une preuve que vous n’êtes pas si parfait que ça.
– Je suis loin d’être irréprochable vous le savez.
– Pas si loin que ça.
Nos deux corps sont comme chargés d’électricité. Maxon proteste d’un mouvement de tête, un petit sourire au coin des lèvres.
– Très bien, voyons voir… Je suis un cancre en ce qui concerne la stratégie militaire. Pour cela, oui, je suis un âne bâté ! Et je pense que je ne sais pas cuisiner. Je n’ai d’ailleurs jamais essayé, alors…
(…)
– C’est tout ? Vous n’avez pas d’autre défauts ?
– J’ai découvert il y a peu quelque chose d’étrange…
– Dites-moi.
– Il s’avère que je suis totalement incapable de me passer de vous America. C’est un problème très sérieux et de tout premier ordre.
– Un problème que vous vous efforcez de régler j’espère ?
Il fait mine de réfléchir à la question.
– Non. Et je vous avertis, je n’en ai pas la moindre intention.
– Je gardais le meilleur pour la fin. J’ai passé du temps avec toutes les autres, je me suis acquitté de mes obligations. Le reste de la soirée vous est réservé.
Mon cœur s’emballe, je me sens rougir.
– Vous êtes éblouissante, America. Beaucoup trop belle pour vous afficher au bras d’un pirate vêtu de guenilles.
– Vous auriez préféré un autre déguisement ?
– Je me verrais bien en arbuste. Ou en buisson, pour être assorti à votre papillon.
– Je donnerais cher pour vous voir déguisé en buisson.
-Je ne vous reverrai jamais. Par ma faute.
-Non, j’aurais dû être plus démonstratif.
-Et moi plus patiente.
-J’aurais dû vous demander votre main ce soir là, dans votre chambre.
-Oui, vous auriez dû.
-America, je ne sais pas combien de temps il nous reste ensemble, mais je ne veux pas le perdre à ressasser nos regrets.
-Moi non plus.
Je dépose un baiser au creux de sa paume, puis sur le bout de ses doigts. Il glisse une main dans mes cheveux et m’embrasse à pleine bouche. Le feu couve encore sous la cendre, ce baiser le prouve.
— Il est trop beau, tu ne trouves pas ? fait ma voisine.
— Si.
— Je me demande sans arrêt à quoi ressembleraient nos enfants s’ils avaient ses cheveux et mes yeux.
— Comment va ta cheville ?
— Elle me fait un peu mal, mais le docteur Ashlar m’a assuré que tout s’arrangerait avant la réception.
Maxon ouvre ses bras et je me blottis contre lui.Il me serre contre son coeur.J’aimerais tant effacer le passé et m’accrocher à cette sensation fugace.
Je dépose un baiser au creux de sa paume,puis sur le bout de ses doigts.Il glisse une main das mes cheveux et m’embrasse à pleine bouche.Le feu couve encore sous la cendre,ce baiser le prouve…
Ce genre de plaies restent longtemps douloureuses, surtout si vous vous obstinez à les soigner vous-même.
-Et qu’est-ce qui vous a valu les autres ? Oh, vous n’êtes pas obligé de répondre. Ma question est très indiscrète.
-Des choses que j’ai dites, ou faites. Des choses que je sais.
-Maxon, je ne sais pas comment dire…
Les larmes menacent de m’étouffer. Il pose une main sur ma jambe.
Je baisse les yeux, écarlate Je n’ai don aucun secret pour lui
– Ce n’est pas que je l’encourage, ajoute-t-il, mais s’il ne voit pas tes qualités, c’est qu’il lui manque une case Et même si tu ne deviens pas princesse, ça n’enlève rien Tu est une fille phénoménale Et tu sais tu sais a quelle point
Comme il ne parvient pas a finir sa phrase, je me risque a lever la tête
Dans son regard, je vois que nous somme lié pour l’éternité
Aspen me connais mieux que quiconque et il seras toujours là pour moi, quoi qu’il advienne
– Oui, Aspen, je sais Moi aussi
– Les miens aussi, Ame
– Ne restons pas là, suggère-t-il d’une voix enjouée.
Il vaut mieux rentrer avant que la cavalerie ne vienne nous chercher, sabre au clair!
Tandis que nous gagnons le rez-de-chaussée, May s’agrippe à mon bras, toute triste.
– Qu’est-ce qu’il y a? Tu n’es pas contente de rencontrer la reine?
– Si. C’est juste que…
– Que quoi?
– Comment je pourrais remettre mes vieux vêtements après ça?
– De la paperasse à remplir.
– C’est tout? Où est mon stylo?
– Moi aussi ça m’interresse, l’interrompt Orabella. J’en ferais bien mon quatre-heures, de ce Maxon.
– C’est un peu la mauvaise ambiance ici, vous pouvez me croire.
– Mais ton verre est vide! s’indigne Noemi.
– Tu me voles mes répliques! s’exclame Orabella avant de héler un majordome, qui emplit à nouveau mon verre.
– Tu as déjà visité l’Italie? s’enquiert sa soeur.
– Avant la Sélection, je n’avais même pas mis un pied en dehors de ma province.
– Tu dois venir, piaille Orabella. Ma porte t’est grande ouverte.
– Tu accapares toujours les visiteurs, se plaint Noemi. C’est chez moi qu’elle viendra… Dis-moi, il embrasse bien?
Je m’étrangle à moitié, puis je m’esclaffe. Mon hilarité vaut tous les aveux.
[…]
– Il est très romantique. Quand il s’en donne la peine!
– C’est que ?
Un espoir démesuré se lit dans le regard de Maxon.
[Dis-le, America. Dis-lui ce que tu ressens.]
– C’est que ? répète-t-il sur un ton malicieux.
Je lui adresse un sourire énigmatique avant de tourner les talons.
– America Singer, revenez ici tout de suite !
— Un peu de fatigue, c’est tout.
— Vraiment ? Je pensais qu’une catastrophe allait me tomber sur le coin du nez.
— Une catastrophe ?
— Que tu m’annonces que je dois tirer un trait sur toi…
Je dois avouer que je n’ai pas accordé la moindre pensée à Aspen cette semaine. Trop centrée sur mon nombril, sur mes petits problèmes. Indifférente à son tourment. Je proteste mollement :
— Tu te trompes sur toute la ligne.
Ma réponse reste évasive et je me sens coupable de le laisser dans le vague, mais il a l’air de s’en satisfaire. Pour l’instant— Aïe ! s’exclame-t-il soudain. Merci pour mon pied.
— Oups ! Excuse-moi.
— Navré de te dire ça, America, mais tu as la grâce d’un éléphant.
Je passe des heures à rédiger mon discours sur des pense-bêtes, répétant devant le miroir afin de ne rien oublier, de maîtriser les passages qui posent problème.
Je suggère à Anne de me confectionner une robe qui me donne l’air innocent, ce qui lui fait hausser le sourcil.
— À vous voir, on croirait qu’on vous a forcée à vous promener en nuisette.
« Même si j’ai grandi dans une maison où l’électricité ne fonctionnait pas toujours, le ventre parfois vide, même si j’ai vu les gens que j’aime se débattre contre le statut qu’on nous a attribué à la naissance, même si j’ai vu le fossé entre les différentes castes, j’aime mon pays.
« Ce que je propose n’est pas simple. Ce sera peut-être douloureux, mais cela se fera dans l’intérêt du royaume tout entier. Je crois que nous devrions mettre un terme au système des castes.
Me proviennent de l’assistance quelques petits cris scandalisés.
– Oui, très chère ?
– De quoi parliez-vous avec mon père ?
– Je l’ai informé de mes intentions. Sachez qu’il les approuve sans réserve, seul votre bonheur compte pour lui. Cela semble être on unique condition. Je lui ai donné ma parole de vous rendre heureuse, par tous les moyens.
– Je suis déjà heureuse.
– Dans ce cas, lui et moi, nous sommes comblés.
D’un geste délicat, il m’encourage à rester près de lui.
– De la paperasse à remplir.
– C’est tout ? Où est mon stylo ?
– Moi aussi ça m’intéresse, l’interrompt Orabella. J’en ferais bien mon quatre-heure, de ce Maxon.
Il m’a entendue j’en suis certaine? Je le vois fermer les yeux, faisant abstraction de ce qui l’entoure, et avaler péniblement sa salive.
Nous nous détachons l’un l’autre, il me pousse dans le couloir
– Va-t-en ! Tout de suite
– Anne !
– Oui, mademoiselle ? répond la plus âgée de mes femmes de chambre, penchée sur son ouvrage.
Inutile de tourner la tête pour savoir que Mary et Lucy, mes deux autres caméristes, sont elles aussi sur le qui-vive.
– Je t’ordonne de trouver un intérêt quelconque à ce charabia, dis-je en désignant d’un doigt paresseux la feuille noire de statistiques posée devant moi.
Il s’agit d’un rapport militaire que les filles de la Sélection sont chargées d’étudier, mais j’ai toutes les peines du monde à me concentrer dessus.
Mes trois bonnes s’esclaffent, amusés par mon ordre ridicule.
– Pardonnez-moi, mademoiselle mais je crois que cela dépasse mes compétences, répond Anna sur le ton de la plaisanterie.
– Tant pis. Vous n’êtes qu’une bande d’incapables. Dès demain, je réclame d’autres personnes à mon service. Et je suis très sérieuse.
Les voila qui s’esclaffent à nouveau et je décide de me concentrer pour de bon sur le rapport. J’ai l’impression tenace – l’impression seulement – qu’il est sans queue ni tête. Je relis certains paragraphes et j’ausculte les graphiques, sourcils froncés, tout en mordillant mon stylo.
J’entends Lucy pouffer de rire et je lève la tête pour voir ce qui l’amuse tant. Mon regard tombe sur Maxon, appuyé contre le chambranle de la porte.
– Vous n’êtes pas très discrète ! lance-t-il, amusé, à l’adresse de Lucy qui se tient les côtes.
Je repousse aussitôt ma chaise et je me jette dans ses bras.
Dis le, América. Dis lui ce que tu ressens
– Le ciel est bleu, le soleil brille et Aspen aime America. Ainsi va le monde. Plaisanterie à part, il n’y a que toi dans mon cœur. Je n’arrive pas à m’imaginer avec une autre fille. Pourtant, j’essaie de me préparer à ton départ, au cas où… sans succès.
-Votre confiance?
-Je vous ai révélé plusieurs de mes secret, je vous ai défendue au mépris de ma propre personne, Il suffit que mon attitude vous déplaise pour que vous m’imposiez vos caprices.J’ai le droit à des bouderies, des accusations ou, pire encore, des rébellions en direct devant les caméras et le royaume tout entier.
Certaines filles ? Au pluriel ? Il m’a pourtant promis la franchise. Est-ce qu’il me cache encore quelque chose ?
– Si ce que vous dites est vrai, Maxon me laissera partir en temps et en heure et vous n’avez aucune inquiétude à avoir.
– Au contraire ! Si, dans son insondable stupidité mon prince de fils jette don dévolu sur vous, vos petites plaisanteries stupides pourraient nous coûter très cher.
[…]
Plus je recule, plus il cherche à me dominer, à m’écraser. Il chuchote presque et ses menaces à peine voilées m’effraient encore plus que ses hurlements.
– Vous allez devoir apprendre à tenir votre langue chère demoiselle. Sinon, vous trouverez en moi un ennemi impitoyable. Et vous vous en mordrez les doigts.
Un déclic se produit alors en moi. Je suis nerveuse, c’est vrai, mais surtout en colère. Pour qui se prend-il, ce bonhomme ? Ce n’est pas parce qu’il est roi – dictateur, pour être plus précise – et qu’il opprime tout un peuple qu’il a le droit de régir mon existence. Je ne me laisserai pas faire.
Un soupir.
Les sons deviennent plus nets, je les localise précisément. J’esquisse un pas vers l’avant, je jette un coup d’œil vers la gauche… et je surprends un couple en pleine étreinte dans l’obscurité. Le choc.
Je reconnaitrai les cheveux de Maxon entre mille, même dans le noir. En revanche, la nouveauté, ce sont les longues griffes rouges de Céleste qui s’enfonce dedans.
-Je me sens si bête
-tu n’es pas bête
-Mais si
-Tu me trouves bête, moi?
-Non
-C’est parce que je suis intelligent. Trop intelligent pour être amoureux d’une gourde. Alors la bêtise, ce n’est pas un argument.
Pour qui elle se prend cette sorcière ? Au bout de quelques minutes, je quitte ma table at je me plante à côté d’Aspen, assez près pour qu’il puisse m’inviter sans éveiller les soupçons.
Ce qu’il fait, et tant mieux, car ma patience commence à s’émousser.
Furieuse je chuchote :
-Qu’est ce que tu fichais avec cette garce ?
-De qui tu parles ?
-Céleste. Elle t’a sorti le grand jeu !
-Mais tu es jalouse, ma parole.
– Maxon, vous n’avez rien à craindre. Vous risquez seulement de découvrir que je ne suis pas à la hauteur.
– Ma chère, vous êtes la perfection incarnée.
Et elle affiche un sourire machiavélique .Avec des alliées pareilles , je ne vois pas comment la victoire pourrait m’échapper…
-On raconte aussi, mademoiselle, que vous vous entendez bien avec tout le monde. Et le bruit court que vous avez conduit vos femmes de chambre dans l’abri royale pendant une des attaques des Renégats.
-Je me voyais mal les abandonner…
-Vous avez le coeur noble, mademoiselle.
-Merci, dis-je en rougissant.
J’avais préparé un long discours, plein de promesses. A un moment, j’aurais eu un trou de mémoire et je me serais ridiculisé. Et pourtant… chaque mot est resté gravé dans ma mémoire.
– Dites-moi.
– Il s’avère que je suis totalement incapable de me passer de vous, America. C’est un problème très sérieux et de tout premier ordre.
Je me redresse en sursaut.
– Mais de qui parles-tu ?
Marlee affiche alors un air triomphant et le sourire qui se dissimule à moitié derrière sa tasse de thé clame « je t’ai bien eue ! »
-Maxon?
-Je ne peux pas… c’est insupportable. America, aidez-moi ôter mon manteau.
Il tend le bras et je saute sur mes pieds pour lui apporter mon aide. Il fait glisser son manteau, qui tombe par terre, et s’apprête à défaire les boutons de sa chemise. Lorsque je veux le faire à sa place, il me saisit par les poignets.
-Vous êtes incapable de garder un secret, vous l’avez prouvé tout à l’heure avec les carnets de Gregory Illeà. Mais celui-là, vous l’emmènerez dans la tombe. Votre tombe, et la mienne. Est-ce assez clair?
J’acquiesce, pour la forme. Maxon me relâche, et je défais lentement les boutons de sa chemise. Un frisson me parcourt l’échine. J’ai vu un jour, dans un livre, une sculpture représentant un athlète lançant un disque. Je m’étais dit à l’époque que seul un artiste pouvait distinguer une telle beauté dans l’être humain, le représenter dans toute sa splendeur. Le torse de Maxon est aussi ciselé que cette sculpture.
La magie se brise lorsque j’essaie de retirer la chemise. Elle colle à son dos. J’ai beau tirer dessus, elle résiste.
-Doucement, souffle-t-il.
Je me place derrière lui et je découvre que la chemise est imbibée de sang.
Je vacille un instant puis je me remets au travail comme si de rien n’était. J’enlève la chemise, je la suspends à l’un des crochets et je m’accorde une seconde pour reprendre contenance.
J’étudie le dos de Maxon. Une entaille profonde lui barre le dos et se superpose à plusieurs autres plaies à divers stades de cicatrisation. Je compte six blessures toutes fraiches, sans compter celles qui se sont refermées. Comment est-ce arrivé? Comment Maxon, qui est de sang royal, peut-il être couturé de cicatrices? Je me rappelle le regard du roi ce soir, ainsi que les efforts de Maxon pour camoufler sa peur, et je comprends tout. Comment un père peut-il infliger cela à son fils?
J’explore le refuge et je finis par trouver un gant de toilette. Une eau glacial coule du robinet. Je calme mes nerfs, affin de ne pas envenimer les choses, et je reviens vers Maxon.
-Ça va sûrement piquer un peu.
-Pas grave, murmure-t-il. J’ai l’habitude.
Je nettoie l’entaille à l’aide du gant mouillé, en la tamponnant de l’épaule à la taille. Maxon se crispe, serre les dents. Lorsque je m’attaque à l’autre blessure, il brise le silence.
-Cela fait des années que je me prépare, savez-vous? J’attends le jour où je serai assez fort pour lui tenir tête.
-Pour quoi ne l’avez-vous pas fait ce soir?
-J’avais peur que s’il n’arrive pas à se défouler sur moi, il se retourne contre vous.
– Je ne vous reverrai jamais. Par ma faute.
– Non, j’aurais dû être plus démonstratif.
– Et moi plus patiente.
– J’aurais dû vous demander votre main ce soir-là, dans votre chambre.
– Oui, vous auriez dû.
– America, je ne sais pas combien de temps il nous reste ensemble, mais je ne veux pas le perdre.
– Moi non plus.
Je dépose un baiser au creux de sa paume, puis sur le bout de ses doigts. Il glisse une main dans mes cheveux et m’embrasse à pleine bouche. Le feu couve encore sous la cendre, ce baiser le prouve. »
Je pose une main sur son torse. Encouragé par ce contact, il me masse l’épaule.
– Cela vous intéresse vraiment ?
– Oui, parce que je vous connais encore très mal. Et vous semblez n’avoir aucun défaut.. J’aimerais avoir une preuve que vous n’êtes pas si parfait que ça.
– Je suis loin d’être irréprochable, vous le savez.
– Pas si loin que ça.
Nos deux corps sont comme chargés d’électricité. Maxon proteste d’un mouvement de tête, un petit sourire au coin des lèvres.
– Très bien, voyons voir… Je suis un cancre en ce qui concerne la stratégie militaire. Pour cela, oui, je suis un âne bâté ! Et je pense que je ne sais pas cuisiner. Je n’ai d’ailleurs jamais essayé, alors…
– Jamais ?
– Je n’ai pas besoin d’essayer : une armée de maîtres queux répond à mes moindres désirs.
– C’est tout ? Vous n’avez pas d’autres défauts ?
– J’ai découvert il y a peu quelque chose d’étrange…
– Dites-moi.
– Il s’avère que je suis totalement incapable de me passer de vous, America. C’est un problème très sérieux et de tout premier ordre.
– Un problème que vous vous efforcez de régler, j’espère ?
Il fait mine de réfléchir à la question.
– Non. Et je vous avertis, je n’en ai pas la moindre intention.
– A moins que ma mémoire ne me joue des tours, répond Maxon, lors de notre première rencontre vous m’avez dit que ce palais était une cage. Avez-vous changé d’avis?
– Vous n’êtes pas très futé, parfois. Je ne parlais pas du palais Maxon. Je me contrefiche des robes luxueuses, de mon lit douillet ou, croyez-le ou non, des petits plats que préparent vos cuisiniers… Non, c’est vous. Vous que je ne veux pas quitter.
– Moi? Vous me voulez moi?
– C’est ce que je m’épuise à vous faire comprendre.
– Comment… mais… qu’ai-je fait?
– Je n’en sais trop rien. Je pense que nous serions bien ensemble.
– Nous serions parfaits ensemble, vous voulez dire.
Radieux, Maxon m’attire vers lui et m’embrasse à nouveau.
– Vous en êtes sûre? Certaine?
– Oui.
– Bien sûr. Il me tarde de les rencontrer, et c’est une étape dans le processus de la Sélection. Par ailleurs, cela vous fera du bien de revoir vos familles respectives, même quelques heures.
J’ai le plus grand mal à ravaler mes larmes. Des larmes de joie.
– Merci, Maxon.
– Je vous en prie… Je sais que vous les chérissez de tout votre coeur. Et vous feriez tout pour eux, cela saute au visage. Après tout, si vous avez accepté de rester au sein de la Sélection, c’est dans leur intérêt.
– Maxon, c’est dans leur intérêt que je suis restée au début, mais ce n’est plus le cas à présent. Si je reste, c’est que…
– C’est que ?
Un espoir démesuré se lit dans le regard de Maxon. « Dis-le, America. Dis lui ce que tu ressens. »
– C’est que ? répète-t-il sur un ton malicieux.
Je lui adresse un sourire énigmatique avant de tourner les talons.
– America Singer, revenez ici tout de suite !
Il me rattrape et me saisit par la taille.
– Dites-moi, chuchote-t-il.
Je refuse de prononcer le moindre mot ; il entre dans mon jeu.
– Fort bien. Je vais devoir recourir à un autre moyen de communication.
Et, sans préavis, il m’embrasse.
Mais ma générosité légendaire, quand les autres ont les poches vides, m’a fait passer du statut de milliardaire anonyme à celui de philanthrope. Je ne veux plus me reposer sur mes lauriers. Il faut que je dépasse ce statut. C’est malheureusement Wallis qui tient les rênes du pays et il faut que je trouve un moyen de le remplacer sans passer pour un usurpateur. Un jour viendra ou j’aurais enfin le pouvoir, et les coudées franches. Pour l’instant, je vais respecter les règles et travailler dans les limites qu’elles m’imposent.
-Mademoiselle ? s’inquiète Anne, hors d’haleine. Il y a un problème ?
-Ça dépend. Si je vous annonce que je reste au palais, vous considérez cela comme un problème ou non ?
– Mademoiselle? s’inquiète Anne, hors d’haleine. Il y a un problème?
– ça dépend. Si je vous annonce que je reste au palais, vous considérez cela comme un problème ou non?
– Vous restez vraiment? piaille Lucy.
– J’en ai bien l’impression, oui.
– Mais vous nous aviez expliqué…
– Oui, je sais. C’est un peu compliqué. Tout ce que je peut vous dire, c’est que l’on m’a donné une seconde chance. Et j’ai bien l’intention de m’en saisir. Pour Maxon.
– C’est tellement romantique! s’exclame Mary, et Lucy tappe dans ses mains.
– Chut, chut! les reprend Anne. Si mademoiselle veut gagner le coeur du prince, il va falloir échafauder un plan.
Et elle affiche un sourire machiavélique. Avec des alliées pareilles, je ne vois pas comment la victoire pourrait m’échapper…
Comment me dépêtrer de ce dilemme? Je tente de me tranquilliser en me répétant que j’ai encore tout le temps devant moi. Que rien ne presse.
– En réalité, nous nous disputons assez souvent.
– Quoi ?!
– Oh, et je lui ai donné un coup de genou dans les parties sensibles un jour.
– Je les remarque pour la première fois.
– Ils vous dérangent ?
Maxon s’immobilise et me fait un baisemain.
– Au contraire. Je les trouve admirables. J’ai vu le monde – à travers des vitres blindées ou du haut de ma tour d’ivoire, j’en conviens, mais je le connais tout de même un peu. Il n’y a aucune question dont je ne sache la réponse. Mais cette petite main que je tiens là. Cette main produit des sons incomparables, sans commune mesure avec ce que j’ai pu entendre jusqu’ici. Des mélodies qui semblent sortir tout droit d’un rêve. Ces cals prouvent que je n’ai pas rêvé.
Oui, Aspen, je sais. Moi aussi.
— Un ordinateur. Vous n’en avez jamais vu ? C’est devenu un objet rare. Celui-ci est conçu pour archiver toutes les informations contenues dans cette pièce. S’il se trouve ici un ouvrage qui traite de ce que vous appelez « Halloween », il nous l’indiquera.
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